La crise des opioïdes dans le Grand Vancouver continue d’être un problème majeur de santé publique, avec des conséquences désastreuses pour les personnes touchées et leur communauté. Marion Roig, Gestionnaire des services sanitaires et sociaux à La Boussole, le centre communautaire francophone à Vancouver, nous donne un aperçu de la situation actuelle.
« Le nombre de décès liés aux opioïdes a augmenté de façon dramatique en Colombie-Britannique, avec une moyenne de six décès par jour », déclare Marion Roig. Selon elle, bien que les données précises sur la consommation d’opioïdes chez les francophones ne soient pas encore disponibles, une augmentation du nombre de clients francophones qui cherchent de l’aide pour des problèmes liés à la consommation de drogue a été constatée.
Outre la surprescription d’opioïdes pour la gestion de la douleur à l’origine de l’explosion de l’utilisation de ces substances, la crise des opioïdes compte plusieurs facteurs de causalité: le manque d’accès à des soins de santé mentale et de traitement pour la dépendance, la pauvreté et l’itinérance, entre autres. Cependant, la pandémie de la COVID-19 a, elle aussi, eu un impact significatif sur la crise des opioïdes. « La pandémie a exacerbé les inégalités sociales et économiques, ce qui a poussé certaines personnes à consommer des drogues pour faire face à leur situation difficile », explique Marion Roig. Par ailleurs, l’accès restreint aux espaces communautaires, aux médecins et aux programmes de traitement, ainsi que la rupture des chaînes d’approvisionnement en drogues “classiques” (et donc l’arrivée de drogues moins sûres) ont également contribué à la crise.
Des conséquences dévastatrices
Naturellement, les effets de la crise des opioïdes sur la santé mentale et physique des personnes touchées sont dévastateurs. Les opioïdes peuvent entraîner une dépendance physique et psychologique, ainsi que favoriser l’apparition de problèmes de santé mentale tels que l’anxiété et la dépression, voire révéler d’autres problématiques de santé mentale, comme par exemple la schizophrénie. « Les personnes touchées par la crise des opioïdes ont souvent des antécédents de traumatismes et de problèmes de santé mentale sous-jacents, ce qui rend leur situation encore plus difficile », déclare Marion Roig. « Les effets de la stigmatisation et de l’exclusion sociale peuvent également être très graves ».
Les décès par surdose sont une conséquence tragique de la crise des opioïdes, bien qu’aujourd’hui largement moins nombreux que ceux par “drug poisoning” (présence de produits non désirés/connus dans la drogue, entraînant des réactions chimiques dangereuses), dus à l’absence d’accès à des drogues sûres. Au-delà des décès, il y a également des conséquences à long terme sur la santé physique, telles que les infections transmissibles par le sang. Dans le même ordre d’idées, les conséquences économiques et sociales de la crise des opioïdes sont également importantes. Les coûts des soins de santé d’urgence associés à la crise sont considérables, et la perte de productivité en raison des décès prématurés et des problèmes de santé liés aux opioïdes représente également une charge économique. « C’est d’autant plus dommage qu’il coûterait moins cher d’avoir des politiques de prévention, d’accompagnement et de prise en charge au plus tôt des situations d’addiction, ce qui permettrait, au-delà de coûter moins cher, de sauver des vies » regrette la Gestionnaire des services sanitaires et sociaux. « La stigmatisation de la consommation de drogue et de la dépendance a également des conséquences sociales importantes », déclare Marion Roig. Elle peut empêcher les personnes touchées de chercher de l’aide et les isoler davantage. »
Il faut dire que La Boussole travaille en étroite collaboration avec d’autres organisations et institutions pour lutter contre la crise des opioïdes. L’organisation offre des services de santé mentale et oriente vers des programmes de traitement de la dépendance, ainsi que des programmes de prévention des surdoses et de réduction des méfaits. La Boussole travaille également avec des partenaires communautaires pour fournir des services de soutien social et d’hébergement. Cela dit, la crise des opioïdes demeure un problème complexe et multifacette qui nécessite une réponse coordonnée et globale. Selon Marion Roig, les principales actions à entreprendre pour faire face à la crise des opioïdes dans le Grand Vancouver (et ailleurs dans la province) sont de fournir un accès adéquat aux soins de santé mentale et de traitement de la dépendance, de mettre en place des programmes d’accès à des drogues non-contaminées ou coupées, de prévention des surdoses et de réduction des méfaits, et de travailler à éliminer la stigmatisation de la consommation de drogue et de la dépendance. « Il faut en parler encore et toujours. »
Un peu d’espoir
Pour elle, un engagement de la part des gouvernements et des autorités sanitaires pour investir dans des programmes de traitement et de prévention, ainsi que dans des programmes de soutien social et de logement est nécessaire. Elle estime que la société a besoin de changer sa perception de la consommation de drogue et la dépendance, en mettant l’accent sur la compassion, la prévention et la réduction des méfaits plutôt que sur la stigmatisation et la répression. À ce titre, la décriminalisation de la possession des petites quantités de drogue en Colombie-Britannique est un pas dans la bonne direction.